Une Suisse à Shanghai ... blog d'une expat en Chine

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Les soirées d'entreprise de fin d'année

Le nouvel an chinois arrive bientôt et voici mon mari prêt à participer à toutes les festivités qui le précédent : les fameuses soirées d'entreprise de fin d'année. De belles expériences à partager avec les différentes sociétés du groupe. Il y a 10 sociétés au total, mon mari pourrait donc être amené à participer à 10 soirées comme celle-ci, si je décide de ranger mon rouleau à pâtisserie (alors là, il peut toujours rêver).

 

Vous imaginez des petites soirées sympathiques et chaleureuses autour d'un bon repas.... Chaleureuses et sympathiques, elles le sont, mais pour le reste, ce n'est pas tout-à-fait ce à quoi on peut s’attendre.

 

Il y a, lorsque vous arrivez sur le lieu des festivités, le tapis rouge et au bout, avant d'entrer dans la salle du restaurant, le mur des signatures. Telle une star, vous déambulez sur le tapis rouge et au bout de l’allée, on vous tend un épais crayon pour signer. Pas de problème à reconnaître votre signature sur le mur, c'est la seule qui n'est pas en caractère chinois. Enfin, après avoir signé, en tant qu'hôte d'honneur, vous avez droit à la photo avec le dirigeant de la société, juste devant le mur.

 

Cannes, nous voici... Nous sommes à ce moment de la soirée dans le summum du chic et de l'élégance. Cela va rapidement se dégrader....

 

Vous entrez dans la salle et ce sont 900 employés répartis en 90 tables de 10 personnes qui vont partager ces moments avec vous. En face, une énorme scène. En tant qu'hôte d'honneur, on vous assied à la première table, la plus proche de la scène. Vous serez aux premières loges. Super. Oui et non, parce que la table d'honneur implique certains devoirs.

 

Le dirigeant de la société ouvre le show, en général avec toute son équipe de direction autour de lui : la directrice financière, le patron de la logistique, etc. Ils se mettent tous à chanter en choeur. Et là, vous réalisez qu'un homme ne détient pas tous les talents en même temps. Un bon manager n'est pas forcément un bon chanteur et durant 3 à 5 minutes vos oreilles entrent en résistance. Qu'importe la douleur acoustique, les employés entrent en transe et l'esprit de communion s'installe.

 

Le show débute: d'abord un groupe de jeune filles hystériques, habillées avec une mini-jupe et des longues chaussettes colorées entre sur scène et se met à chanter une chanson pour adolescents boutonneux. L'arrangement musical est horrible, le chant est mauvais (sauf si c'est en playback..) et lorsque vous demandez avec la plus exquise politesse et curiosité "qui est cet admirable groupe de girls band chinois? ", on vous répond que ce sont des employées de la société. Il y a donc ce soir-là, chantant, Annie de la comptabilité, Sandra du service après-vente et Charlotte de l'équipe de vente de Suzhou...

 

Heureusement, on n’est pas macho. Les hommes peuvent aussi se payer une bonne tranche de honte.

 

John et Frank du service logistique montent alors sur scène pour entonner une chanson de crooner. Ils se la pètent grave. Peut-être séduiront-ils une jeune fille grâce à cette chanson mais elle sera la seule femme sourde de la soirée.

 

En Chine, l'animation n'est pas chère, ce sont les employés qui montent sur scène et payent de leur personne. Le ridicule ne tue pas et tout le monde trouve normal d'exposer son manque de talent devant les autres: l'important est de participer....

 

Ensuite arrive le concours de beauté. Parmi une vingtaine de candidats, un homme et une femme en sortiront vainqueur.

 

Le vote est surprenant. L'animateur entame une sorte de compte à rebours et au "zéro", 900 employés hystériques se ruent sur scène pour coller un autocollant jaune sur leur candidat et candidate préféré. En tant que table d'honneur près de la scène, vous avez l'impression qu'un typhon vous passe derrière la chaise, accompagné de cris aigus tous azimuts.

 

Quand la fumée et la fureur de la foule s'estompent, un spectacle ubuesque s'offre à vous. Il y a d'abord les candidats ayant du succès, beaucoup de succès: on ne les voit presque plus, couverts d'autocollants jaunes avec uniquement la bouche pour respirer. Mais ce n'est pas le pire: il y a les femmes et les hommes que leurs collègues ont carrément trouvés moches. Une femme n'avait aucun autocollant, mais alors zéro... Elle venait de réaliser que ses collègues l'avaient élue « thon de la soirée ». C'est alors que charitable, une collègue de son service se rue à la dernière minute sur scène pour lui coller un autocollant, au moins un, la pauvre.

 

Puis arrive le clou de la soirée, le "Lucky Draw" (le tirage au sort de la chance). Des prix en argent ou des téléphones portables attendent les vainqueurs sur scène... En tant qu'hôte d'honneur, on vous fait monter sur scène pour aller couper un petit sac suspendu en tissu qui contient l'un des numéros gagnants. Malheureusement, ce soir-là, un peu ralenti par une certaine dose d'alcool (voir ci-dessous), vous oubliez de mettre la main dessous pour rattraper le sac en question et il tombe dans un interstice de la scène. Une équipe technique arrive rapidement pour démonter un bout de la scène et récupérer le sac. Les gagnants auront leurs prix. Mais pratique un peu curieuse, avant de retirer son cadeau, l'employé doit descendre une bouteille de bière entière, cul sec, devant les 900 convives. Les femmes n’y échappent pas. Heureusement un collègue peut se dévouer pour boire à la place...

 

Enfin, quelque chose se trame depuis le début de la soirée, l'alcool coule à flot: vin rouge, bière et baijiu (le fameux alcool fort mentionné dans un article précédent). Et là, le rôle de la table d'honneur vous frappe de plein fouet: en tant qu'hôte d'honneur et/ou dirigeant, vous devez vous lever et aller trouver vos chers employés aux autres tables pour faire « Gambei » (cul-sec) avec eux. Ce soir-là, 18 tables furent visitées pour faire cul-sec avec 180 personnes.Ca calme et tous les trucs sont bons pour survivre à ce déluge d'alcool. Premièrement, ne boire que de la bière,  deuxièmement, pas de toast individuel mais uniquement des toasts avec toute la table (les 10 personnes se lèvent, vous regardent, vous tendent leur verre et tout le monde fait Gambei... ). Mais ce n'est pas fini, car il y a la seconde vague: les 18 tables que vous avez visitées, par politesse, veulent vous rendre l'appareil et c'est à leur tour de se lever pour venir proposer un toast aux membres de la table d'honneur....

 

C’est à cet instant-là, entre les deux vagues de Gambei qui se croisent, que le moment est le plus propice pour quitter la soirée...

Une bonne partie des employés étant bourrée, plus personne n'est assez lucide pour avoir un œil sur les allées et venues. Vous pouvez partir en douce.

 

Il ne faut pas s’étonner si on croise des jeunes filles qui éclatent en sanglots ici ou là. Il paraît qu’elles sont submergées par l’émotion.

 

Comme une star, on a donc commencé la soirée sur un tapis rouge à la cannoise et on la termine sur le chemin bétonné qui relie la salle de repas aux toilettes. Le petit coin devient naturellement le lieu le plus visité et le plus populaire de la deuxième partie de soirée.

 

Voilà, la direction a chanté comme une casserole devant ses employés en délire, on a élu la collaboratrice la plus moche de l’entreprise sans faire exprès, l’alcool a coulé comme le jet d’eau sur le lac Léman, les filles ont pleuré et les toilettes ont été repeintes.

 

Quelle bien belle soirée ce fut là. Vivement l’année prochaine et d’ici là, je vous souhaite une magnifique année du singe !



31/01/2016
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